Plus de 100 familles palestiniennes de Jérusalem-Est sont en danger immédiat de voir leur maison démolie après que la municipalité de Jérusalem ait durci sa position sur les plans directeurs de la zone.
Une grande clinique et des centaines d’autres bâtiments risquent également d’être démolis dans un avenir proche.
Il y a actuellement quelque 20 000 bâtiments illégaux à Jérusalem-Est, et des ordres de démolition ont été émis contre des milliers d’entre eux. La plupart ont été construits illégalement parce que les quartiers palestiniens de la ville n’ont pas de plans directeurs qui permettraient une construction légale.
Les résidents ont donc tenté d’empêcher les démolitions en proposant leurs propres plans directeurs, qui incluent la légalisation des bâtiments existants. Les négociations avec la ville sur ces plans durent depuis des années.
Mais récemment, selon les résidents, les autorités de planification ont durci leur position sur ces plans, réduisant ainsi la probabilité de leur acceptation. Il devient alors plus difficile d’obtenir de nouveaux reports des ordres de démolition.
Dimanche, le tribunal de district de Jérusalem a rejeté l’appel de 58 familles palestiniennes contre la démolition de leurs maisons dans la section Wadi Yassul du quartier de Silwan. Le dernier plan directeur approuvé pour cette zone date de 1977 et l’a entièrement zonée en espace public ouvert. Depuis 15 ans, les habitants tentent d’obtenir le rezonage en zone résidentielle, mais en vain.
Dans sa décision, la juge Rivka Friedman-Feldman a noté que la zone ne devrait pas être rezonée de sitôt, et que les maisons ne seront donc probablement pas légalisées de sitôt. Étant donné l’absence de progrès significatifs sur cette question, a-t-elle poursuivi, rien ne justifie le report des ordres de démolition. Cela signifie que la ville peut les mettre en œuvre immédiatement.
"J’ai accompagné les résidents depuis 2004 sur une Via Dolorosa de plans préparés sur la base de promesses vides et de tromperies", a déclaré leur avocat, Ziad Kawar. "Les résidents ont dépensé des millions de shekels pour ces plans, mais au final, [les responsables de la ville] n’ont pas tenu leurs promesses, ont posé des obstacles insurmontables et insistent pour mettre en œuvre les ordres de démolition et jeter les familles à la rue sans aucune alternative."
Il y a un mois, le tribunal des affaires locales de Jérusalem a également refusé de reporter un ordre de démolition à Silwan. Une clinique gérée par l’organisation de maintien de la santé Clalit occupe le rez-de-chaussée du bâtiment depuis des décennies. En plus de servir régulièrement 5 500 résidents, cette clinique est la seule à fournir des tests par écouvillonnage PCR et des vaccins contre le coronavirus à des dizaines de milliers d’autres habitants de Jérusalem-Est.
Le bâtiment contient également une clinique dentaire et quatre appartements qui abritent 30 personnes, pour la plupart des mineurs.
Ses propriétaires ont récemment fait appel de cette décision devant le tribunal de district de Jérusalem. Friedman-Feldman a accepté de reporter l’ordre de démolition s’ils déposaient 50 000 shekels (15 840 dollars) en guise de garantie.
Les négociations entre la municipalité et des dizaines de familles vivant dans le quartier Al-Bustan de Silwan ont également échoué ces dernières semaines. Il y a onze ans, le maire de Jérusalem de l’époque, Nir Barkat, a commencé à promouvoir un projet de construction d’un parc archéologique à cet endroit, dans le cadre du parc national de la Cité de David. Mais ce projet, qui aurait nécessité la démolition de dizaines de maisons, a suscité un tollé international, conduisant la ville à entamer des pourparlers avec les résidents afin de convenir d’un plan de relogement.
Les habitants ont soumis un plan prévoyant la démolition complète d’Al-Bustan, la reconstruction des maisons sur 60 % de la zone et la création d’un parc sur le reste. Mais la ville a récemment rejeté ce plan en faveur du sien, qui prévoyait de reloger les habitants dans une poignée de bâtiments n’occupant que 5 % de la zone. Après le rejet de ce plan par les habitants, les pourparlers ont été rompus, ce qui pourrait entraîner la réactivation des ordres de démolition visant la zone.
Dans le quartier A-Tur de Jérusalem, l’unité de supervision de la construction du ministère des Finances devait démolir un bâtiment abritant 10 familles dans les semaines à venir, mais le tribunal de district de Jérusalem a récemment reporté la démolition pour donner aux habitants la possibilité de démolir eux-mêmes le bâtiment, ce qui est moins coûteux.
Eyad al-Ghouch a déclaré que les efforts répétés pour faire légaliser le bâtiment avaient échoué, et maintenant "mon fils de 3 ans me dit qu’il veut dormir dehors parce qu’il a peur qu’ils démolissent la maison au-dessus de nous. Ils disent qu’ils veulent construire une école ici, mais un enfant a d’abord besoin d’une maison, d’une santé et de nourriture, et seulement après d’un endroit pour apprendre".
"Je dis cela aux Israéliens, non pas pour le bien de nos enfants, mais pour le vôtre, car nos enfants n’oublieront pas qui a fait cela", a-t-il ajouté.
Dans le courant du mois, la Haute Cour de justice entendra la requête de 38 familles d’Al-Walaja qui contestent les ordres de démolition de leurs maisons, situées dans une section du village annexée à Jérusalem en 1967. Le comité d’urbanisme du district, qui a refusé pendant des années de prendre en considération le plan directeur proposé par les familles pour la zone, l’a finalement examiné cette année sur ordre du tribunal, mais l’a rejeté.
Les résidents travaillent désormais à l’élaboration d’un nouveau plan. Entre-temps, l’État a demandé au tribunal de rejeter la requête afin de pouvoir appliquer les ordres de démolition.
La municipalité de Jérusalem a déclaré dans un communiqué qu’elle faisait avancer les plans dans de nombreux quartiers de la ville, y compris à Jérusalem-Est. Contrairement à ce qui est affirmé, il n’y a aucun changement dans la politique de la municipalité", a-t-elle déclaré, ajoutant que les affirmations des résidents "ne sont pas conformes à la réalité".
"De nombreuses extensions ont été accordées au fil des ans aux personnes qui ont commis des violations de construction, mais malgré ces extensions (...) elles n’ont pas avancé dans la légalisation de la construction", ajoute le communiqué. "Par conséquent, conformément aux décisions de la Cour suprême, les affaires locales et les tribunaux de district ont rejeté les demandes de prolongation qui ne présentaient aucun progrès en matière de planification, même si de nombreuses années se sont écoulées depuis que l’infraction a été commise et depuis que le verdict [approuvant la démolition] a été rendu par le tribunal."
Traduction : AFPS